Pourquoi je n'aime pas les conseillers en investissements

Dernière mise à jour: 9 novembre 2025

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Cet article est une traduction française du blogpost original de JL Collins (en anglais) posté sur cette page de son blog jlcollinsh.com.


Pendant un récent voyage dans l’Ohio, j’ai rencontré RMak, un membre d’un forum de motards que je fréquente. Plus tard, il a posté un compte-rendu de notre rencontre et m’a décrit comme ça:

“Un colosse est sorti… Ce type ressemblait à un mélange de John Wayne, Justin Bieber et Bigfoot.”

C’est plus gentil que beaucoup d’autres descriptions que j’ai eues au fil des ans.

Bref, c’est la première fois que j’ai pensé à Justin Bieber. Tu peux imaginer mon sentiment de déconnexion quand, une semaine plus tard, il est apparu en couverture de… attends la suite… Forbes Magazine!

Fait intéressant, il n’était pas là parce qu’il faisait partie de leur liste des “Célébrités les plus riches” ou un truc du genre, mais parce qu’il était un investisseur en capital-risque et la nouvelle coqueluche des start-ups high-tech. Grâce à son manager et conseiller en investissement. On dirait qu’un élément clé de leur stratégie, c’est que d’autres sociétés de capital-risque et entrepreneurs seront prêts à l’inviter à participer uniquement aux meilleures affaires, les plus lucratives, parce que…

… eh bien, juste parce que c’est Justin Bieber, évidemment. Forbes est super impressionné par son sens des affaires. Justin, mec, tu devrais commencer à lire jlcollinsnh!

Commence ici — Un moyen simple de devenir riche — et regarde l’étape 2:

2/ Évite les gestionnaires financiers. Au mieux, ils coûtent cher, au pire, ils te voleront. Fais une recherche sur Google pour Bernie Madoff. Demande conseil avec prudence et ne lâche jamais le contrôle. C’est ton argent et personne n’en prendra mieux soin que toi. Mais beaucoup essaieront de se l’approprier. Ne les laisse pas faire.

Quand je parle de gestionnaires financiers, je pense aussi aux conseillers en investissement, aux planificateurs financiers, aux courtiers et autres. Tous ceux qui gagnent leur vie en gérant la tienne.

Je suis sûr qu’il y a plein de conseillers honnêtes, consciencieux et travailleurs qui font passer les besoins de leurs clients avant les leurs. Enfin… en vrai, je n’en suis pas du tout sûr. Mais au cas où, je le précise par souci d’équité envers eux.

Voilà le problème

  1. De par leur conception, les intérêts d’un conseiller et ceux de son client sont structurellement opposés. Pour agir dans l’intérêt du client, le conseiller doit renoncer à ce qui est dans son propre intérêt. Seules des personnes exceptionnelles et vertueuses sont capables d’agir ainsi. La gestion financière ne semble pas être la vocation première, ni même secondaire, de ces personnes exceptionnelles et vertueuses.
  2. Les conseils bien intentionnés mais mauvais sont super courants dans ce domaine. Les conseillers qui font passer les intérêts de leurs clients avant les leurs sont, pour reprendre une phrase de Joe Lansdale dans son roman “Edge of Dark Water”: “Plus rares que les serpents à sonnettes baptisés”. Et puis, il faut encore en trouver un qui soit vraiment bon.
  3. Les conseillers ne sont pas attirés par les meilleurs investissements, mais plutôt par ceux qui rapportent les commissions et les frais de gestion les plus élevés. En fait, ils sont souvent obligés par leur entreprise de vendre ces produits. Ces investissements sont, par définition, chers à l’achat et à la détention.
  4. Pas étonnant qu’un domaine qui donne accès aux économies d’une vie des gens attire… les arnaqueurs, les voleurs et les escrocs.

Les conseillers en placement gagnent leur vie de trois façons

1. Commissions

Le conseiller est payé chaque fois que tu achètes ou vends un placement.

On voit bien qu’il y a là un risque d’abus, et le conflit d’intérêts est flagrant. Il n’y a pas de “frais” (commission) pour acheter un fonds Vanguard. Mais American Funds, entre autres, prend des frais super élevés. Ça va dans la poche du conseiller. Mmmm. Je me demande ce qu’il va te recommander?

D’autres fonds offrent des frais de gestion récurrents de 1% (sur ton argent) aux conseillers qui les vendent. Cela signifie que tu paies une commission non pas une seule fois, mais chaque année tant que tu détiens le fonds. Pas étonnant que les conseillers les privilégient aussi.

Les placements dans des assurances sont parmi ceux qui rapportent les commissions les plus élevées. C’est peut-être pour ça qu’ils sont les produits les plus recommandés par les conseillers et certainement parmi les plus coûteux pour toi. Les rentes et les assurances vie entières/universelles génèrent des commissions pouvant atteindre 10%. Pire encore, ces commissions sont cachées dans le placement, donc tu ne les vois jamais. Je ne sais pas comment une telle fraude peut être légale. Mais elle l’est.

Les fonds spéculatifs et les investissements privés enrichissent leurs vendeurs, ainsi que les opérateurs. Les investisseurs? Peut-être. Parfois.

Et comme si ça ne suffisait pas, si tu ne fais pas gaffe, ils peuvent gagner encore plus d’argent à tes dépens en “churnant” ton compte. Le churning, c’est quand on achète et vend souvent des investissements pour générer des commissions. C’est illégal. Mais c’est aussi facile à cacher, surtout sous le prétexte “d’ajuster la répartition de tes actifs”.

Bernie Madoff

Bernie Madoff

À une époque, les gens suppliaient Bernie Madoff de prendre leur argent. Ses références étaient top. Son parcours aussi. Seuls les “meilleurs” conseillers en investissement pouvaient te faire entrer. M. Madoff les payait grassement pour ça. Tout comme leurs clients. Oups.

2. Les frais de gestion, le modèle AUM

Le conseiller te facture des frais annuels pour gérer ton argent. En général, c’est entre 1 et 2% des actifs sous gestion (AUM, aka “Assets Under Management” en anglais).

Avec tous les abus du modèle de commission, ces dernières années, les frais de gestion sont devenus plus courants. On dit que c’est plus objectif et “pro”. Mais il y a aussi des inconvénients.

D’abord, 1 à 2% par an, c’est un énorme frein à la croissance de ton patrimoine. Disons que ton portefeuille rapporte 8% par an. 2% partent en frais. Disons 3% pour l’inflation et peut-être 3% pour les impôts et… tout à coup, il ne te reste plus rien. Les rendements des investissements sont précieux et, avec ce modèle, ton conseiller prend la crème de la crème.

Allons faire un tour sur le site de notre pote Dave Ramsey et empruntons sa calculatrice. Disons que t’as un pécule de 100'000 $. C’est à peu près le minimum pour intéresser un conseiller. Disons que tu l’investis pendant 20 ans et que tu gagnes 8% par an. Tu te retrouves avec 492'680 $. Pas mal. Maintenant, disons que tu donnes 2% en frais de gestion. Ton rendement net est désormais de 6% et après 20 ans, cela te rapporte 331'020 $. Soit 161'660 $ de moins. Non seulement tu renonces à 1-2% chaque année, mais tu renonces également à tout l’argent que cet argent aurait pu te rapporter grâce aux intérêts composés pendant 20 ans.

Deuxièmement, on a toujours le problème du conflit d’intérêts. Il n’est pas aussi répandu que dans le modèle à commission, mais il existe toujours. Peut-être envisages-tu de rembourser ton prêt hypothécaire de 100'000 dollars ou de verser 100'000 dollars pour les études universitaires de tes enfants afin qu’ils n’aient pas à s’endetter. La plupart des conseillers te déconseilleront ces deux options. Pour toi, selon ta situation, cela peut être un bon ou un mauvais conseil. Pour ton conseiller, c’est le seul conseil qui lui permet de conserver les 1'000 à 2'000 dollars de frais annuels que lui rapportent tes 100'000 dollars.

Troisièmement, la grande majorité des conseillers te coûteront encore plus cher, car leurs performances sont inférieures à celles du marché. Tu ne sauras pas avant une vingtaine d’années si tu as eu la chance de choisir l’un des rares conseillers qui ne sont pas dans ce cas.

3. Tarifs horaires

Si t’as vraiment besoin de conseils, c’est le moyen le plus simple de les obtenir. Mais tu devras payer pour ça. Des tarifs de 200 à 300 dollars de l’heure, voire plus, ne sont pas rares. Tu risques moins de te faire arnaquer, mais tu devras quand même déterminer si les conseils eux-mêmes seront bons ou mauvais pour ta santé financière.

4. Une combinaison des points 1, 2 et 3 ci-dessus

C’est notre dernière option. Si ton conseiller l’utilise, c’est probablement pas pour ton bien.

Plutôt sinistre, non? Voici un article écrit par le conseiller en investissement Allen Roth (NDLR: le lien n’existe plus), qui fait des révélations intéressantes sur les rouages du système. Il ne mâche pas ses mots. Bravo, Allen! Mais là où nos opinions divergent, c’est qu’il donne aussi des conseils pour choisir un bon conseiller. C’est probablement encore plus difficile que de choisir les actions ou les fonds communs de placement gagnants.


Si t’es un investisseur débutant, t’as deux options:

Les deux demandent du boulot et du temps. Mais la deuxième option donne non seulement de meilleurs résultats, mais c’est aussi la plus simple.

Le truc ironique avec les bons investissements, c’est que la simplicité, c’est mieux. Les investissements compliqués ne profitent qu’aux gens et aux entreprises qui les vendent. Non seulement t’as pas besoin d’investissements compliqués, mais en plus, ils te font du tort. Au mieux, ils coûtent cher. Au pire, c’est un repaire d’arnaqueurs. Ça vaut pas le coup. Tu peux faire mieux.

Personne ne prendra mieux soin de ton argent que toi-même. Avec moins d’efforts que pour choisir un conseiller, tu peux apprendre à gérer ton argent toi-même… avec de meilleurs résultats.

Addendum I:
Le lecteur Prob 8 m’a écrit :

“Si quelqu’un doute des affirmations de JLC sur l’impact des frais et commissions sur votre portefeuille, regardez cette vidéo de PBS: http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/ — elle s’appelle The Retirement Gamble. (Tu devras coller ça dans la barre de recherche pour trouver la vidéo.) Elle contient des interviews de Jack Bogle et tout ce que tu dois savoir pour comprendre que les frais et les conseillers en investissement nuisent plus à ton portefeuille qu’ils ne l’aident.”

Je viens de la regarder. C’est super intéressant et je recommande vraiment aux lecteurs de la regarder. Les calculs sur les dégâts que peuvent causer des frais apparemment modestes de 2% sont tout simplement stupéfiants; même moi, je ne me rendais pas vraiment compte à quel point les plans 401k (NDLR: système de prévoyance aux US) sont désormais grevés de frais. Oups! Merci Prob 8!!

Addendum II:
Les vendeurs d’assurance-vie apprennent de leurs entreprises à se faire passer pour des conseillers en investissement. Ça leur permet de vendre plus facilement des produits chers, comme les innombrables variantes d’assurance-vie entière. N’achetez pas ces produits. Si vous avez besoin d’une assurance-vie, prenez une assurance temporaire qui correspond exactement à vos besoins et pour la durée qui vous convient. Prends l’argent que tu économises et investis-le dans un fonds indiciel à faible coût comme VTSAX.


Notes de MP

Je ne que plussoyer ce que dit JL: personne ne s’occupera mieux de ton argent que toi-même.

En relisant cet article, je me suis aussi fait les réflexions suivantes:

Pilier 3a lié à une assurance vie: l’arnaque légale suisse…

J’ai beaucoup ri quand JL parle des assurances vie. Le plus drôle est qu’il se pose littéralement la même question que moi: “Comment une telle fraude peut être légale?!?”

Quoi qu’il arrive, si tu t’es déjà fait avoir par un “conseiller” en assurance, j’ai deux choses à te dire:

Paie ton conseil à l’heure

Si tu obtiens quelconque conseil “gratuitement”, c’est que tu le paies ailleurs… dans des frais exorbitants qui sont cachés.

Un exemple? Quand un soi-disant “conseiller” en hypothèque te propose de passer à son bureau à 19h30, et te ramener chez toi parce que ça lui fait plaisir… à 20h45! Réfléchis-y à deux fois… surtout quand tu réfléchis aux deux (!!) piliers 3a assurance vie qu’ils essaient de te refourguer comme “la meilleure solution pour protéger ta famille”…

La seule fois où j’ai payé pour du conseil financier (ou plutôt de la planification financière devrais-je dire), c’était chez VZ. C’était cher de l’heure (c’est normal, tout travail mérite salaire)! Mais surtout: ce n’était pas gratuit!

Par où commencer pour un investisseur suisse?

Si tu es nouveau sur le blog et que tu souhaites commencer à investir en bourse, tu demandes peut-être:

“Il est cool cet article de JL Collins, mais tu me conseilles de faire quoi MP si je ne dois pas écouter mon banquier ni mon ‘conseiller’ en assurance?”

J’ai tellement eu cette question que j’y réponds dans un article dédié: “Comment j’investirais CHF 10'000 en bourse si je commençais aujourd’hui (krach boursier ou pas!)”


Crédit photos: jlcollinsnh.com



Comme d'habitude, je n'écris et ne passe en revue que ce que j'utilise dans ma vie quotidienne ou ce en quoi j'ai confiance.

Merci de ta lecture!